Gabriel Luis Corales
Inventeur du miroir sympathique
De l invention curieuse de Gabriel Luis Corales, nous n'avons guère d'autre trace que le journal intime qu'il tint scrupuleusement de 191' à 1933, et les témoignages incertains de quelques proches et gens de maison. La découverte que crut faire Corales, en 1919, sans pouvoir jamais en apporter la preuve scientifique, fut celle des « ondes de désir ». D'après lui, chaque être vivant émet continuellement, à son insu, des vibrations qui comportent l'image virtuelle d'un objet convoité, et peuvent se fixer sur le premier obstacle matériel venu. Ainsi expliquait-il, entre autres, qu'on donne très souvent à la silhouette d'un passant quelconque la forme et l'attitude de la personne qu'on attend. Il lui suffirait donc, pensa-t-il, de trouver une surface capable d'absorber convenablement ces ondes pour restituer l'image objective de l'obscur objet du désir. Il passa les meilleures années de sa vie à élaborer le tain de ce qu'il appelait déjà le miroir sympathique. Le 2 avril 1933, son journal témoigne d'un état d'exaltation extraordinaire. « Je suis enfin arrivé au terme de mes recherches, écrit-il, et elles curieuse de Gabriel Luis n'auront pas été vaines. Il me reste ce soir à procéder aux derniers essais, et n’importe quel membre de l’humanité pourra désormais contempler, dans mon miroir, la forme enfin manifeste de ses désirs ignorés. »
Ici s'arrête le journal de l'invention Corales, ici prend fin sa vie intellectuelle, ici commence le mystère. On peut, avec un peu d'imagination, reconstituer ce qui dut se passer. Le soir même, Corales se plaça juste en face du miroir qu'il avait réussi à mettre au point, et celui-ci lui présenta l'objet de son désir, c'est-à-dire le miroir où s'inscrivait, désormais parfaitement visible grâce à l'efficacité du nouveau tain, l'image du miroir capable de transmettre impeccablement ce qu'il désirait y voir, c'est-à-dire ce sympathique miroir qui lui renvoyait, avec une netteté qu'il n'aurait jamais osé espérer, l'image du miroir auquel il avait tant
rêvé, et qui lui permettait de ……………………………………………………..
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C’est ainsi que Corales ou sa psyché - bascula dans l'abyme vertigineux de ses désirs emboîtés, sans jamais retrouver la porte du songe où il s'était engouffré. De l'individu que l'état civil s'obstina à désigner par ce nom ne subsista plus qu'une enveloppe charnelle, un corps aux yeux éteints, aux gestes mécaniques, s'exprimant par monosyllabes, dont l'âme s'était définitivement absentée.
Le médecin qui l'examina, passant devant le miroir disposé dans la chambre du malade, aperçut une femme assez déshabillée et dans une pose plutôt prometteuse, mais il crut être victime d'une hallucination. Plus tard, le domestique qui époussetait les meubles aperçut distinctement dans la glace une bouteille du vieux rioja qu'il affectionnait mais, lorsqu il se retourna pour la prendre, elle avait disparu, et il attribua ce phénomène aux quelques excès la soirée précédente. Quand a la vieille nourrice chargée de déménager la chambre, elle découvrit avec stupéfaction, en s’approchant de la surface lumineuse, sa petite sœur morte en train de jouer dans le jardin détruit de leur enfance heureuse, et les larmes qui jaillirent sur le miroir, bien loin d’effacer la scène, en accrurent encore l’éclat miraculeux.
Elle emporta l’objet sans rien dire a personne, sauf a son confesseur, et put ainsi, moyennant deux pater et trois ave, acquérir le droit inestimable de pousser régulièrement en toute bonne conscience, la grille verte et rouillé de son éden intime.
PS : moi j aime bien